C’est l’histoire d’un jeune homme plein d’énergie, sportif et bon vivant. A l’aube d’une carrière toute tracée dans le secteur bancaire, pourtant, le destin de Pascal Davet bascule, lorsqu’il apprend à l’âge de 16 ans qu’il perdra progressivement la vue. Un destin marqué par une résilience exemplaire.

L’insouciance du jeune Pascal en prendra un coup, en 1990, à un âge où on rêve et on rit. Il est en pleine forme, pratique le waterpolo dans son club montheysan. De légers troubles de la vision le pousse alors à faire un contrôle de routine. Le verdict tombe: on lui diagnostique une rétinite pigmentaire, une maladie génétique qui affecte les bâtonnets et les cônes rétiniens de l’oeil. Autrement dit, Pascal Davet apprend qu’il perdra progressivement la vue.

Des sens en compensation


Son frère sera également diagnostiqué avec la même maladie. Ce choc ne cause pas de panique chez les Davet, qui croquent la vie à pleine dent. Entre 16 et 25 ans, mis à part qu’il ne passera jamais son permis de conduire, Pascal peut encore vivre une vie toute à fait normale. Il entame une carrière dans les banques, déménage à Zurich pour travailler à l’UBS dans le back office. Il y rencontre sa femme, Ramona. En 2000, il reviennent s’installer dans le fief de Pascal, à Monthey. Sa vue baisse progressivement mais il assume néanmoins son statut de pendulaire en se rendant chaque jour à Lausanne, sur son lieu de travail, en transports publics.

Le moral est presque toujours au top. Au lieu de s’apitoyer, il saisit cette « opportunité » que la vie lui impose: une formidable occasion de se reconvertir. Pas question pour lui de devenir dépendant des institutions et des autres. Il va progressivement exploiter ce que son corps et ses sens sont en train de lui offrir en compensation: une sensibilité accrue au bout de ses mains. En 2005, il doit se résoudre à réduire son taux de travail de moitié. Bosser toute la journée sur un écran d’ordinateur devient mission impossible. Il démarre officiellement son activité de massothérapeute en ouvrant un cabinet à Monthey et un autre à Lausanne, où il reçoit des patients une après-midi par semaine.

Espoir de traitement

A cette période pourtant, un petit espoir de stopper cette dégénérescence maculaire subsiste encore. Un traitement basé sur la trithérapie génique est en phase de test. Pascal participe à des études en tant que cobaye, mais le temps presse. La maladie, elle, avance, et la vue de Pascal continue de se réduire, un peu comme des œillères, de plus en plus resserrées. Il explique que, ce qu’il voit encore, c’est un peu comme s’il regardait à travers le trou d’une serrure, avec un voile devant plus ou moins opaque suivant l’intensité de la lumière. Ce nouveau traitement prometteur ne lui servira probablement jamais, mais heureusement il fonctionne aujourd’hui pour ceux qui sont diagnostiqués très jeunes.

Perdre la vue m’a ouvert les yeux

Pascal Davet

Transition professionnelle réussie

Le bientôt ex-banquier ne perd en tout cas pas son « pep ». Pascal profite à fond, se met à faire de plus en plus de sport, notamment de la course à pied, et se fixe des objectifs. Du Tour du Chablais au marathon de Nice, il enchaîne les courses. Il s’entraîne 3 à 4 fois par semaine, accompagné par ses amis qui se relayent pour s’entraîner à ses côtés, sur les berges du Rhône ou sur les sentiers pas trop accidentés du Val d’Illiez (quoique). Il se rend encore souvent seul depuis chez lui jusqu’au stade de Monthey avec sa canne, pour s’entraîner sur l’anneau d’athlétisme. Quand la luminosité est bonne, il est encore capable de distinguer les lignes blanches au bord d’une route ou du stade. Il fait même de la peau de phoque et du parapente. Il ne passe pas un week-end sans qu’il explore de nouvelles limites. « Perdre la vue m’a ouvert les yeux ». C’est lui-même qui prononce cette phrase alors en pleine préparation pour Morat-Fribourg, qu’il terminera en moins de 1h30.

En 2008, il quitte définitivement le milieu bancaire pour devenir entrepreneur. Dans son cabinet de massage, il double la cadence de rendez-vous, l’agrandit pour s’associer à d’autres thérapeutes, et ouvre deux centres de cryothérapie à Aigle et Sion. Côté professionnel, c’est ce qui s’appelle une transition réussie. Côté sport, il cartonne: il termine 2 marathons de 60km en Irlande ainsi qu’à plusieurs marathons.

Facultés développées

Son énergie couplée avec son expérience de bientôt deux décennies font de lui un thérapeute compétent et apprécié. De nombreux sportifs amateurs ou professionnels établis dans le Chablais viennent le trouver régulièrement. Il voit régulièrement défiler sur sa table des champions et championnes de classe mondiale, comme Maude Mathys ou Magali Di Marco. Perdre la vue lui a permis de développer des facultés très précieuses dans les métiers des thérapies manuelles. Celles du toucher bien sûr, mais aussi un grand sens de l’écoute. Avec, toujours, cette bonne humeur et cette énergie communicative. Un massage chez Pascal, et ça repart.

Texte et image: Magali Di Marco Be Social Communication